Les super-héros « à la française »
Des tentatives de super-héros « à la française », ou à l’européenne plutôt, car elles ont bien souvent impliqué des dessinateurs italiens, il y en a eu. Des copies naïves des débuts, comme Homicron, qui n’était jamais qu’un Green Lantern à la française, et qui duraient en général peu de numéros. De cette époque se démarquent surtout des bandes dessinées comme Krampus, qui avait pour le coup une vraie originalité, mais qui se situait plus comme un comics d’horreur.
Tous ces héros, publiés par Lug dans les années 60, existent toujours, sous la houlette de Jean-Marc Lofficier, au sein de l’univers « Hexagon ». « Hexagon » fait aussi l’objet d’un excellent jeu de rôle, écrit par Romain d’Huissier et Laurent Devernay. En bande dessinée, j’avais acheté les deux premiers volumes des « Strangers », des histoires certes à la dimension grandiose, mais qui je trouvais manquaient d’un petit quelque chose pour me passionner. C’était trop, trop d’un coup, trop de personnages, trop d’enjeu cosmique d’entrée, et ça s’avérait indigeste au final, tout au moins pour moi. Une série gagne quelquefois à se concentrer sur un casting réduit…
Et bien entendu, citons aussi les plus connus des lecteurs de Lug, Mikros par Jean-Yves Mitton et Photonik par Ciro Tota, qui ne font pas partie de l’unvers Hexagon. Ozark, le troisième héros paru dans ces publications, en fait par contre lui aussi partie. Mikros et Photonik étaient des comics d’une redoutable efficacité, presque à la hauteur de certains de leurs concurrents, mais néanmoins amis, anglo-saxons.
Une équation impossible à résoudre
J’en sais quelque chose, puisque j’ai moi-même tenté avec les « Sister Love » de m’essayer au genre. Il est difficile, voire quasiment impossible, d’innover réellement dans un genre qui compte plus de quatre-vingts années d’existence. Tout a été fait, chez Marvel ou DC Comics, d’une manière ou d’une autre. Mais on peut apporter du nouveau, à la marge, pour essayer d’intéresser la lectrice ou le lecteur, un angle un peu différent, que seuls des réels passionnés du genre peuvent apporter.
Et Hoplitéa a toute son originalité et sa raison d’être.
Parlons-en donc, de HOPLITÉA !
Laurent Arthaud choisit un angle tout particulier pour raconter l’histoire de Hoplitéa, qui est en fait une authentique Spartiate à l’origine. Avec plus de 4000 ans d’histoire derrière elle, Laurent choisit néanmoins de situer la majorité de l’action de nos jours, au moment où Hoplitéa a renoncé à son immortalité pour avoir un enfant, en l’occurrence, sa fille Alexia, qui a hérité de sa mère des cheveux blancs comme neige.
Sophia Bollier est ainsi mère, dès le début, mariée à Stéphane, un richissime homme d’affaire sans super-pouvoir. Elle reprend ses activités après un congé parental visiblement, comme pourrait le faire toute femme de nos jours ! L’identification est immédiate, et bienvenue. Laurent Arthaud sait parfaitement doser la découverte progressive de son ComixHeroes Universe, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est particulièrement foisonnant !
Hoplitéa fait ainsi partie de la Justice Force, qui nous est présentée dans le premier numéro. Les super-héros sont nombreux dans cette version alternative de notre Terre (l’ancienne Bruxelles et maintenant Europolis, y sont nommés des pays comme la Prussia et la Carpathie !), c’est donc un univers déjà fermement en place que nous découvrons avec la reprise d’activité de Sophia au sein du groupe.
Un univers fort judicieusement, et résolument, ancré dans l’Europe et dans ses légendes. S’y croisent ainsi des références à la mythologie grecque, aux Trois Mousquetaires, à Fantomas, à la bête du Gévaudan, au folklore transylvanien, à Roland de Ronceveaux, à travers, justement, le personnage fascinant de Ronceveaux et de son épée Durandal. J’en oublie, très certainement.
Trois tomes rondement menés
Il y a deux façons pour moi de traiter du sujet des super-héros. Soit tu l’honores, soit tu le déconstruis. Laurent choisit de l’honorer, on sent derrière le projet un fan absolu du genre, et de ce qu’il a de meilleur à apporter, à savoir de l’humanité derrière les super-pouvoirs. Que ce soit au sein de la Justice Force ou des Golden Stars, les personnages présentés honorent la tradition super-héroïque. ce sont des personnages positifs, sans une once de cynisme, volontaires et courageux.
C’est cette absence de cynisme, et la chaleur humaine qui se dégage des personnages, qui forment à mon avis le plus gros atout de Hoplitéa. On voudrait cotoyer ces personnages, on voudrait avoir des super-pouvoirs et les utiliser pour le bien commun, comme eux. On voudrait faire partie de ces groupes. On AIME ces personnages !
Et tout cela ne serait rien, bien évidemment, sans le talent, immense, de l’homme qui dessine les aventures de Hoplitéa, Patrice Martinez !
Un dessin et une narration visuelle impeccables !
Laurent n’a pas facilité la tâche à son dessinateur, Patrice Martinez, dit « Marti ». L’intrigue est foisonnante et ne fait pas perdre de temps au lecteur, et les personnages sont nombreux, voire très, très nombreux, surtout dans le tome 3 ! Et Patrice, est dessinateur, encreur ET coloriste, sauf sur quelques épisodes pour cette dernière tâche ! Les couleurs sont magnifiques et témoignent d’un véritable sens artistique, bien loin de la bouillie numérique que l’on constate sur bien des titres, même publiés chez les « Grands » de l’industrie du comic book.
Le boulot abattu est impressionnant. D’un style très « cartoon » au début, réminiscent d’un Bruce Timm par moments, on arrive assez rapidement à une maturité graphique assez impressionnante, qui regorge de détails. L’expression des visages, en particulier, est parfaitement rendue, un élément indispensable à l’immersion et à l’identification du lecteur. On est à mi-chemin entre la ligne claire de l’école franco-belge et le style dynamique « comic book », soit finalement le meilleur des deux mondes !
Ajoutons à cela une narration visuelle impeccable. Les plans se multiplient, et pourtant la narration reste parfaitement limpide et lisible, ce qui est la force des grands artistes de comics. Il ne suffit pas d’être un bon dessinateur, il faut aussi être un conteur, et le moins que l’on puisse dire est que Patrice excelle en ce domaine.
Et ce qui ne gâte rien :
J’adore les costumes !
Ironiquement, Hoplitéa a le même code couleur que Sister Love d’ailleurs, jaune et rouge.
Les costumes des super-héros INNOMBRABLES des trois tomes de Hoplitéa ont ceci en commun : ils sont SIMPLES, ce qui ne veut pas dire simpliste. J’ai personnellement cette théorie selon laquelle, si un enfant ne peux pas dessiner le costume de votre super-héros à main levée, ce n’est pas un bon costume. Nombreux sont les artistes à rajouter tout plein de détails inutiles à leurs designs de super-héros. Ce n’est pas le cas ici.
D’ailleurs, si j’ai bien compris, Laurent a inclus dans le tome 3 des designs de fans, qui les ont soumis sur les réseaux sociaux. C’est une excellente idée !
Alors, que du positif ?
Que du positif. J’apprécie énormément cette proposition de Laurent et Patrice. Hoplitéa a un nouveau fan. À 15€ le tome pour 150 pages tout en couleur, à acheter chez Northstar Comics, vous ne serez volé, ni que la qualité, ni sur la densité d’écriture (pour info ils livrent chez Mondial Relay pour 6€ pour les trois tomes !).
Là où certains étireraient l’histoire qu’ils racontent sur cinq tomes, là on a à faire à une efficacité scénaristique impressionnante, le fruit sans aucun doute de décennies de lecture de comics.
En tout cas, je vais surveiller les publications de Northstar Comics, car d’autres séries de super-héros s’y déploient. Voici le lien :
Produits (northstarcomics.com)
La tome 4 arrive bientôt !
Conclusion : Hoplitéa, c’est super bon, mangez-en.
Et vous, avez-vous lu Hoplitéa et si oui, qu’en avez-vous pensé ? Bien ou bien ?