Neuromancien est sans doute mon roman préféré, tous genres confondus. C’est le livre qui me parle le plus.
Et je ne sais pas pourquoi.
La naissance d’un univers
L’intrigue suit Henry Dorsett Case, un pirate informatique des temps futurs, qui interface son esprit directement dans la matrice, un univers virtuel partagé par tous. Pour avoir voulu doubler ses commanditaires, Case a subi la pire des punitions, une intervention sur son organisme, qui le rend à présent incapable de s’immerger dans la matrice. Débarquent alors dans sa vie la samurai des rues, Molly, et ses verres-miroirs, avec qui il vivra une passion instantanée et totalement instinctive, et Armitage, un homme au passé mystérieux qui a le moyen de guérir Case, à condition de remplir une mission…
Rien de bien passionnant à première vue, et pourtant Neuromancien est la création d’un genre à part entière, qu’on nommera le cyberpuk. Ses éléments, pris isolément, n’ont rien d’original, mais la somme des parties offre rien de moins qu’un nouvel univers de jeu, aussi vaste et passionnant qu’a pu l’être celui d’un Star Wars.
Le cyberpunk
Le cyberpunk, c’est la science-fiction vécue au niveau de la rue, dans un monde où l’humain doit autant avoir recours à ses instincts primaires qu’à la technologie, un mélange fascinant de lutte contre l’oppression et de survie pure. Le personnage cyberpunk est à la fois homme et machine. La technologie n’a pas rendu sa vie meilleure, juste différente, et ses préoccupations sont toujours identiques, acheter sa liberté d’une façon ou d’une autre.
Le cyberpunk, c’est notre monde, mais ses composantes sont exagérées. Les entreprises les plus puissantes rivalisent avec les états, nous sommes dépendants de la technologie plus que jamais, et l’écart entre riches et pauvres s’est creusé de façon démesurée. Entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, le fossé n’aura jamais été aussi grand. Et on suit les petits, tentant de survivre.
L’écriture de Neuromancien est très impressionniste, certains disent maniérée. Et de fait, Willliam Gibson, l’auteur, l’abandonne dans ses romans suivants, qui sont du coup pour moi beaucoup moins marquants. Lire le livre est, pour moi, un voyage, tout comme de lire La Princesse de Mars d’Edgar Rice Burroughs, un grand huit que l’on connait par cœur mais dont on retrouve avec plaisir les sensations même à plusieurs années d’intervalle.
Un univers qui pille et un univers pillé
Tout comme Neuromancien s’inspire d’œuvres existantes, comme Blade Runner, (aucun auteur ne crée dans le vide), son univers sera régulièrement pillé. On pense à Matrix notamment, ou à Johnny Mnemonic, écrit par William Gibson lui-même d’après sa nouvelle du même nom. Dans le genre, je peux aussi conseiller le film Nirvana avec Christophe Lambert.
Le jeu de rôle Cyberpunk paraît en 1988 et offre une synthèse du genre admirable. Les personnages créés sont assez attachants, des losers magnifiques contre les Corporations omniprésentes et toutes-puissantes.
Depuis 1984, nombre d’adaptations au cinéma auront été tentées, mais Case et Molly restent pour l’instant une exclusivité des romans. On peut trouver sur la toile des storyboards d’une version envisagée par Joseph Kahn (Torque), des concept arts et quelques pages de scénario du temps où Vincenzo Natali (Cube) y était attaché… Aux dernières nouvelles c’était entre les mains de Tim Miller, mais c’était avant le bide de Terminator Dark Fate.
Car malgré les années, Neuromancien est toujours plus que la somme de ses parties. Le roman qui a remporté l’année de sa sortie le prix Nebula, le prix Hugo et le prix Philip K. Dick garde sa spécificité et son originalité. Une construction de monde de haute volée.