Il semble que certains critiques se soient donné une mission sacrée, vous tenir éloigné de Tarzan par tous les moyens possibles, afin que vous ne soyez pas exposé à cet archétype raciste et colonialiste, parce que, bien entendu, ils pensent que vous, le public, êtes trop stupides pour faire la part des choses.
Déjà, je trouve qu’il est à priori complètement stupide de vouloir appliquer des raisonnements du monde réel à une aventure imaginaire. Tarzan n’existe pas, pas plus que Popeye et Superman. Si on y réfléchit bien, le concept même de super-héros qui se placeraient au-dessus des lois des hommes est tout simplement puant.
Mais admettons… Ainsi Tarzan serait le symbole du sentiment de suprématie blanche sur le continent africain ?
Comme le rapportait le petit-fils d’Edgar Rice Burroughs, John Burroughs, à la cérémonie du centenaire de Tarzan et John Carter en 2012, son grand-père aurait réagi de la manière suivante : « sortez-vous la tête du c… ! ».
Burroughs n’a jamais écrit Tarzan pour que le roman ait un sens caché au-delà de ce qui se trouve sur la page. Tarzan est un être unique, et si archétype il est, il est celui du super-héros. Ce n’est pas pour rien que Jerry Siegel cite à la fois Tarzan et John Carter comme faisant partie des inspirations pour Superman. Ce n’est pas pour rien que chaque univers de super-héros a sa propre copie de Tarzan. Tarzan est supérieur aux noirs, mais surprise, il est aussi supérieur aux blancs, aux animaux ; il est tout simplement supérieur à tout ce qui bouge ! Et pas parce qu’il est blanc, mais de par son hérédité exceptionnelle (anglaise, tout simplement parce que la famille de Burroughs est d’ascendance anglaise), et de par son enfance passée dans la jungle, Tarzan atteint le pinacle de la condition humaine selon Burroughs, à la fois animal et homme. Animal, et homme, dans cet ordre. Devinez quelle composante a la plus de respect de la part de Burroughs ?
Et puis Tarzan serait colonialiste. Rappelons la définition du colonialisme, ce serait donc lui qui apporterait les supposés bienfaits de la civilisation aux pauvres peuplades noires du coin ? Scoop pour ceux qui pensent cela, en termes simples pour qu’ils puissent comprendre : pour Burroughs la civilisation, c’est caca. Point. La civilisation blanche pervertit. Elle souille. Tarzan en prend le meilleur, et jette le reste. Soit quasiment tout le reste.
Si le vocabulaire des romans peut choquer des oreilles modernes devenues trop sensibles au politiquement correct ambiant, il convient d’examiner avec précision ce qui se trouve dans le roman. Et là on s’aperçoit que la tribu noire du chef Mbonga qui s’installe près de la tribu mangani de Tarzan fuit l’oppression des blancs. On s’aperçoit que l’acte horrible aux yeux de Tarzan commis par un des membres de la tribu nait d’une incompréhension, et non d’un acte malveillant. On comprend que quand la tribu cannibale (mais les Manganis de Tarzan ne sont pas étrangers eux-mêmes au cannibalisme au cours de leur cérémonie) tombent sur un régiment français pour l’exterminer, c’est en représailles de ce que les blancs leur ont fait subir. Le Roi Léopold de Belgique est même cité dans le texte. La tribu de Mbonga a donc fui du Congo. Vous n’avez pas à me croire sur parole, les cinq premiers romans traduits en français sont disponibles à la vente en ce moment.
Rappelons enfin que Burroughs a écrit un excellent roman dans cette même veine, critiqué sur ce même site, The War Chief, qui suit les tribulations d’un enfant blanc élevé parmi les Indiens. Etrangement, ce roman ne suscite pas les mêmes réactions épidermiques qu’un Tarzan, même parmi les fans de Burroughs, qui ne sont pourtant pas sans le connaître. Est-ce parce que le héros se contente là de tuer des blancs et des latinos ?
Tout ce débat relève donc selon moi, au mieux, d’une incompréhension totale du personnage, et au pire, d’une hypocrisie pure et simple. En tout cas, il ne tient qu’à vous, cher lecteur, de vous forger votre propre opinion, comme tous ceux qui font actuellement un succès du film. Comme vous venez de le constater, mon opinion à moi est déjà faite !
(ci-dessous une impression écran à ce jour du site américain Rotten Tomatoes, qui compile les opinions des critiques et du public. Les critiques donnent 34% d’opinion favorable au film, le public 74% !)