Je parle bien de Robert E. Howard, et non de sa création la plus célèbre, Conan, car, dans un premier temps, j’ai découvert ses récits hors Conan, et ensuite, si j’avais découvert ses Conan en premier, dans l’état où ils étaient publiés à l’époque, peut-être n’aurais-je jamais accroché !
Le cercle des amis de Lovecraft
A priori mon premier contact avec les écrits de Robert E. Howard est le recueil de nouvelles « Légendes du Mythe de Cthuhu » dans lequel est paru La Pierre Noire.
Un de mes amis, fan de Lovecraft, m’avait prêté le livre, et je l’avais ensuite fait acheter à mes parents. Immédiatement c’est la nouvelle de Howard qui a cependant attiré mon attention de par son style et sa puissance. Déjà, il ne boxait pas pour moi dans la même cour que les autres. (le jeu de mot est très volontaire, Howard était fan de boxe et a écrit des nouvelles sur la boxe !)
A l’époque, ses écrits, traduits par l’immense François Truchaud, paraissait aux Editions Néo, un éditeur dont les parutions étaient trop chères pour mon pauvre argent de poche. Je devais donc lire les livres que me prêtaient mes camarades qui avaient des parents plus fortunés ! Je me souviens avoir été très impressionné par les Habitants des Tombes et Le Tertre Maudit. Alors, oui, c’était de l’horreur, et fort bien écrite, mais c’était aussi de l’horreur qu’on pouvait combattre à grands coups de tatane dans la tronche, et c’était ce qui m’attirait, ces personnages plus grands que nature, Steve Costigan en tête.
Robert E. Howard cachait une autre forme de désespoir, mais pour moi, son horreur était teintée d’action, et d’action viscérale, où chaque coup comptait.
Et puis vint Conan, enfin, bon, pas le vrai mais bon…
Imaginez mon incompréhension quand j’achetai les recueils Conan parus chez J’ai Lu… Howard y était devenu un auteur si peu fiable qu’il avait laissé derrière lui un tombereau de textes inachevés, qui avaient dus être « complétés » (notez les guillemets) par un certain Lyon Sprague de Camp, secondé par un certain Lin Carter. Ah, heureusement qu’ils avaient été là, ces deux-là !
Il devint cependant assez rapidement évident qu’eux, par contre, ne jouaient pas dans la même cour. Si les « collaborations » (notez les guillemets) avec Robert E. Howard arrivaient à faire illusion, les textes que rédigeaient seuls les deux sauveurs faisaient pâle figure en comparaison. Ne parlons pas des « suites » au-delà de Conan le Conquérant par un certain Byorn Nyberg (Conan le Vengeur ?), qui étaient carrément médiocres.
Louinet le sauveur
La vérité ne fut révélée que bien plus tard, grâce notamment au travail admirable qu’a accompli un français, Patrice Louinet, qui non seulement a le même prénom que mon frère, mais qui est aussi, et surtout, celui qui a supervisé la restauration des œuvres de Robert E. Howard, en français, ET en anglais, en revenant aux tapuscrits originaux !
En gros Sprague de Camp est un escroc, qui a tenté de s’approprier l’œuvre de Howard, qui se serait très bien débrouillé sans lui. Après tout, Burroughs, qui objectivement avait un style bien inférieur au sien, au niveau purement littéraire pur, s’en sortait très bien sans avoir besoin de « collaborateurs posthumes ». Au niveau conteur d’histoires, ça se discute par contre :).
Un styliste inégalé
Car c’était ça, Robert E. Howard, un styliste inégalé, et inégalable. Car, tout écrivain professionnel qu’il l’était, car il écrivait très consciemment pour les marchés dans lesquels il pouvait écouler ses textes, à l’inverse d’un Lovecraft qui était en permanence fauché, Robert E. Howard dispensait à travers ses textes rien de moins que ses obsessions profondes, à savoir l’exaltation de la force physique, empreinte d’un pessimisme profond, qui le conduira au suicide à l’âge seulement de 33 ans.
Il y a eu des continuations à Conan, mais aucune, et je dis bien aucune, n’arrive à la cheville de l’original. Tout simplement parce qu’il ne suffit pas de singer le style d’aventure d’un auteur pour que le lecteur y retrouve les sensations de l’écrivain original, qui y étalait rien de moins que ses tripes.
Et vous, avez-vous lu Robert E. Howard, le vrai ? Aimez-vous sa prose ? Dites-le moi en commentaire.