Je connus les talents de Romain d’Huissier en entendant parler du jeu de rôle Hexagon Universe. Lassé des forums de jeu de rôle, remplis de gens qui ne sont pas là pour parler de leur pratique, mais qui sont surtout là pour imposer la leur aux autres, je m’étais pourtant reconnecté simplement en entendant parler de ce projet de jeu de rôle super-héros, qui comme son nom ne l’indiquait pas, était 100% français, et notamment composé de héros de création franco-italienne, imaginés à l’époque où les super-héros Marvel commençaient à bien se vendre chez LUG. Quelle longue phrase.
Je savais que Romain avait participé à la création du jeu La Brigade Chimérique, mais le parti-pris de ce dernier, des super-héros entre les deux guerres mondiales, ne m’intéressait pas spécialement. Là on avait à faire avec Hexagon à un univers plus « classique » dans sa conception, ce qui ne pouvait qu’aiguiser ma curiosité ! A l’arrivée, avec ses 5 suppléments + l’écran + 1 campagne, Hexagon Universe est LE jeu de rôle le plus complet en français. Sans parler des romans de Romain dans cet univers, chez Rivière Blanche, ou des 4 anthologies qu’il y a supervisées, et que je n’ai pas lus (pourquoi ? Pas envie de lire du roman de super-héros, tant que je n’ai pas fini d’écrire mes propres romans de super-héros « Sister Love », ce qui, je vous l’accorde, à l’allure actuelle, risque de me prendre un temps proche de l’infini… passons).
J’ai eu d’ailleurs l’occasion de rencontrer brièvement Romain en personne lors d’une rencontre chez Joseph Gibert sur Paris sur « les super-héros à la française« , et il me dédicaça gentiment mon exemplaire de Hexagon Universe.
Je savais donc déjà qu’il écrivait bien, et c’est pour cela que je suivais avec un immense plaisir la gamme Hexagon, jeu qu’il avait créé avec Laurent Devernay. Quand j’étais jeune, le style d’un auteur de jeu de rôle m’importait peu, seules comptaient les règles finalement. Maintenant, on va dire pudiquement que j’ai « pris de la bouteille » et j’ai de plus en plus de mal avec l’aridité de la rédaction d’un jeu. Avoir un jeu bien écrit est donc devenu pour moi une nécessité, et Romain, à cet égard, ne déçoit jamais !
Tout cela nous amène aux Chroniques de l’Etrange. Ces chroniques se composent de trois tomes, Les 81 Frères, La Résurrection du Dragon (ces deux romans, parus chez Critic en beau roman cartonné, viennent d’être réédités chez Folio SF) et Les Gardiens Célestes, qui vient de paraître aux Editions Critic.
Je ne vais pas détailler l’intrigue outre mesure, le plaisir est dans la découverte, et la série propose nombre de surprises. Je me contenterai de parler des influences qui me paraissent perceptibles, et qui selon moi seront plus parlantes que n’importe quel résumé.
Les Chroniques de l’Etrange semblent regrouper des passions très évidentes quand on connait un peu le travail de Romain : tout d’abord l’Asie (Romain est aussi créateur du jeu de rôle Qin, les Royaumes Combattants), le cinéma « Made in Hong Kong », autant dans sa composante « mafia » qu’art martiaux, la mythologie (Romain s’intéresse au moins aux mythologies chinoise ET grecque, comme en témoigne son jeu de rôle Mythic Battle Pantheon) et les super-héros, pour ces derniers surtout à travers le personnage d’Ann Lung, la nonne bouddhiste, dans un premier temps, et enfin pour l’ensemble des personnages dans le troisième tome.
L’univers des fat si, ces exorcistes chinois, est travaillé, attrayant et cohérent. Le protagoniste, Johnny Kwan, est à la parfaite croisée des deux mondes : suffisamment humain et « terre-à-terre » pour qu’on puisse s’intéresser à lui (son intérêt pour la cuisine chinoise dans tous ses états en est un rappel constant dans la trilogie), tout en étant au fait du côté surnaturel du monde. Bien que se passant à Hong Kong, le lecteur occidental n’est jamais perdu par un manque de familiarité avec les lieux, Romain ne manquant jamais de détailler en quelques phrases l’endroit où se passe l’action, et les coutumes qui y sont associées éventuellement.
En bref, une série de romans très attachants et bien menés. Le troisième tome en particulier m’a fait penser par moments à la Trilogie des Avatars, une série de romans Donjons & Dragons, par certains aspects, en beaucoup mieux écrit par contre ! Les connaisseurs sauront de quoi je parle, j’imagine.
Mais inutile d’avoir ces références en tête pour apprécier l’écriture fluide de Romain d’Huissier. Vous passerez à coup sûr un excellent moment à arpenter les rues de Hong Kong de long en large aux côtés de Johnny Kwan !
A quand le jeu de rôle ? Romain l’a forcément en tête, et ne veut visiblement pas dévoiler quoi que ce soit avant d’avoir eu l’accord d’un éditeur sur une fome très particulière, qui semble effrayer pour l’instant les candidats potentiels.
Les Chroniques de l’Etrange sont une trilogie, donc théoriquement c’est fini pour Kwan et ses amis. Dommage, j’en reprendrais bien une louche, moi, avec quelques raviolis aux légumes épicés (rigolez pas, j’ai VRAIMENT mangé un menu vapeur ce midi).