En prévision du Tarzan à sortie le 13 juillet 2016 chez nous, j’ai profité des soldes pour m’offrir le coffret des 12 films de Tarzan tournés avec Johnny Weissmuller à partir de 1932, et qui ont laissé une telle empreinte que dans l’esprit du public interprète et personnage étaient devenus indissociables.
Il y avait très longtemps que je n’avais pas revu Tarzan l’homme-singe, il faut dire qu’il y a bien longtemps que les films en noir et blanc ne sont plus diffusés à la télévision en dehors des ciné-clubs. J’avais le souvenir d’un bon film, mais sans plus. Assez bizarrement, je dois dire que je suis plus à même de l’apprécier maintenant qu’étant plus jeune !
A bien des égards, c’est plus le film de Jane Parker (Jane Porter dans les romans) que de Tarzan lui-même. On ressent en elle un besoin d’aventure finalement bien supérieur à celui de son père et de son séduisant associé, Holt, qui avouent tous deux détester une Afrique qui semble pourtant attirer la jeune femme inexorablement. Le père de Jane est lui à la recherche du mythique cimetière des éléphants, qui se trouvera être situé dans une zone difficilement accessible et isolée, celle où se trouve aussi un certain Tarzan.
A cette époque, la méfiance de Burroughs, née des précédentes adaptations cinématographiques, à commencer par le Tarzan of the Apes de 1918 avec un Elmo Lincoln au physique de gorille, là où Burroughs visualisait plutôt un Tarzan au physique de « panthère », n’a fait que croître, à tel point qu’il interdit désormais aux producteurs d’adapter directement un de ses romans. Le film de 1932 affichera ainsi simplement un « adapté des personnages créés par Edgar Rice Burroughs ». Et une fois de plus, Burroughs se montrera mécontent de voir son héros, qui dans les romans, avait appris à lire tout seul, y être relégué à un rôle de sauvage illettré ! De son origine, on ne saura rien d’ailleurs. Au spectateur d’imaginer ce qui a bien pu amener un homme blanc à être élevé par des singes, et comment il a bien pu trouver ce couteau si tranchant et d’aspect « moderne ». J’imagine que déjà en 1932, on pouvait se passer de raconter l’origine d’un personnage déjà très connu.
Vient ensuite la question du racisme. Le film y baigne allègrement, là où Burroughs se montrait finalement bien plus prudent. Le roman évitait comme la peste la mise en scène de situations colonialistes (encore que pour certain, le simple fait qu’un blanc, Tarzan, se permette d’être supérieur aux noirs présentés dans le roman suffit à qualifier le roman de colonialiste, alors même que Tarzan est AUSSI supérieur, physiquement et moralement, aux autres blancs présentés dans l’histoire). La tribu de Mbonga fuyait l’oppression des blancs au Congo, et c’était la raison pour laquelle ils se retrouvaient en contact avec Tarzan. Les blancs, indirectement, étaient donc responsables de ce qui allait arriver… Le film ne mettra même pas en scène un protagoniste noir digne de ce nom, et les porteurs sont généreusement fouettés pour avancer. Le récit les sacrifiera tous un par un dans des morts plus ou moins atroces. Alors que c’est le blanc Holt qui tue le singe ami de Tarzan, ce dernier se vengera sur deux porteurs noirs qui s’étaient imprudemment isolés, et Holt ne sera finalement de son côté jamais inquiété pour son acte.
Est-ce à dire que la vision du film est à ce point insupportable ? Pas vraiment, on y trouve même de très bons côtés. Johnny Weissmuller a un charisme affolant, une vraie star instantanée à ce niveau-là. Il rayonne à l’écran à chacune de ses apparitions, alors même qu’il n’a quasiment aucun dialogue. On aura rarement vu à l’écran un acteur si immédiatement sympathique aux yeux du spectateur. Il en est de même pour Maureen O’Sullivan dans le rôle de Jane, un rôle d’autant plus complexe que c’est à elle que revient l’essentiel du dialogue. C’est elle qui est le référent du spectateur, et c’est sur sa performance qu’on se retrouve engagé, ou non. La romance entre elle et Tarzan, absolument capitale pour soutenir le récit, est crédible et suffisamment sensuelle pour passionner le spectateur. Le chimpanzé Cheetah est très bien utilisé, et est un vrai personnage à part entière.
Que reste-t-il du roman de Burroughs une fois le générique de fin apparu ? Une jungle, infiniment hostile et pleine de danger dès qu’on y met le pied par terre. Cheetah, pour aller chercher de l’aide, devra échapper à rien moins qu’un léopard (le Sheeta des romans), une lionne et un lion ! Les explorateurs sont attaqués par des hippopotames. Les crocodiles se chargeant des restes, et Tarzan devra même en battre deux à la nage ! Ca aide d’être champion olympique. Autre curiosité digne de Burroughs, les indigènes du haut plateau sont des nains à la peau noire qui livrent leurs prisonniers à un gorille géant (ce ne sont pas des pygmées, c’est précisé dans les dialogues). La charge des éléphants dans leur village est une scène impressionnante, dont on peut imaginer qu’elle a dû représenter un certain casse-tête logistique ! Le film est d’ailleurs dans l’ensemble assez violent.
Bref, loin de m’avoir déçu, ce visionnage m’a fait redécouvrir un vrai classique du cinéma, celui qui a objectivement fait de Tarzan un mythe cinématographique sur le long terme, immortalisant à jamais la scène « moi Tarzan toi Jane » au panthéon des grands moments du cinéma.
(Ci-dessous, Edgar Rice Burroughs en compagnie de Maureen O’Sullivan et Johnny Weissmuller. Notez les fausses oreilles de l’éléphant ! En effet à l’époque seront utilisés pour les films des éléphants d’Asie, auxquels on collera de fausses oreilles et de fausses défenses.)