TARZAN LE TERRIBLE (livre 8) : un roman important pour contrer les idées reçues sur Edgar Rice Burroughs !

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Tarzan le Terrible est, je trouve, un livre important dans la série des Tarzan. Ce n’est pas parce que c’est le meilleur (il est cependant loin d’être mauvais), mais parce qu’il contient en ses pages suffisamment de matière pour apporter des contre-arguments à tous ceux qui accuseraient Burroughs d’être, dans l’ordre, raciste, sexiste, et un des champions de l’impérialisme des blancs.

BURROUGHS LE RACISTE

Tarzan sourit. Même ici on trouvait la distinction raciale entre homme blanc et homme noir –Ho-don et Waz-don. Même le fait qu’ils semblaient égaux en terme d’intelligence ne faisait visiblement aucune différence—l’un d’entre eux était blanc, et l’autre noir, et il était facile de constater que le blanc se considérait comme supérieur – on pouvait le comprendre à travers son petit sourire en coin.

Voilà un parfait résumé de la notion de race dans les livres de Burroughs : il y a des hommes bons dans tous les tons de peau, il y a des hommes mauvais dans tous les tons de peau.

BURROUGHS L’IMPERIALISTE/LE COLONIALISTE BLANC

Tarzan se redressa de toute sa hauteur sur une branche instable –droit et aussi beau qu’un demi-dieu –épargné par la souillure de la civilisation–un spécimen parfait de ce que la race humaine aurait pu devenir si les lois des hommes n’avaient pas interféré avec les lois de la nature.

[…]

Au loin on distinguait les eaux bleues de Jad-in-lul et au-delà, la rive recouverte de verdure, et un peu plus loin encore les montagnes. C’était un tableau magnifique qu’il contemplait — une image de paix, d’harmonie et de calme. Nulle part on ne trouvait la moindre suggestion de la présence des hommes et des bêtes sauvages qui se disputaient la propriété de ce merveilleux paysage. Quel paradis ! Mais un jour l’homme civilisé viendrait, et – ruinerait tout ! Sans aucun doute, des haches sans pitié raseraient ces bois anciens; de la fumée noire et épaisse sortirait de cheminées hideuses dans ce ciel d’azur; de sombre petits bateaux équipés de roues à l’arrière ou sur les côtés remueraient la boue au fond du Jad-in-lul, changeant la couleur de ses eaux bleues en un brun crasseux; des piliers horribles seraient projetés dans le lac, soutenant des bâtiments sordides de fer ondulé, car il en est ainsi de toutes les cités pionnières en ce monde.

 Mais est-ce que l’homme civilisé parviendrait jusqu’ici ? Tarzan espérait que non.  Depuis d’innombrables générations, la civilisation s’était répandue autour du globe; elle avait envoyé ses émissaires du Pôle Nord au Pôle Sud; elle était passée sans aucun doute tout près de Pal-ul-don au moins une fois, peut-être même plusieurs fois, sans jamais l’atteindre. Dieu voulant, ce ne serait jamais le cas. Peut-être qu’Il saurait conserver pour toujours ce petit endroit tel qu’Il l’a conçu, car les quelques coups de griffes des Ho-don et des Waz-don sur Ses rochers n’y avaient pas altéré le beau visage de la Nature.

Burroughs est du côté de la Nature, point final.

BURROUGHS LE SEXISTE

Seule, sans armes, presque nue, dans un pays envahi par des bêtes sauvages et des hommes hostiles, elle [Jane Clayton] ressentit pourtant pour la première fois depuis de nombreux mois une sensation de joie et de soulagement. Elle était libre ! Et même si ses prochains instants pouvaient à tout instant amener sa mort prochaine, elle aurait au moins connu à nouveau, même pour un moment très bref, une sensation de liberté absolue. Elle sentait son sang comme résonner devant cette sensation presque oubliée et c’était avec difficulté qu’elle retint un joyeux cri de triomphe alors qu’elle sortait des eaux calmes et se dressait sur la plage silencieuse.

Devant se trouvait une forêt sombre et inquiétante, et de ses profondeurs provenaient ces sons difficilement identifiables qui font partie de la vie nocturne de la jungle. — le bruissement des feuilles dans le vent, le frottement de branches proches l’une de l’autre, la course précipitée d’un rongeur, tous ces sons magnifiés par l’obscurité dans des proportions sinistres et impressionnantes; le hululement d’un hibou, le cri lointain d’un grand félin, les aboiements de chiens sauvages attestaient de la présence d’une myriade d’êtres vivants qu’elle ne voyait pas –la vie sauvage, une existence libre dont elle faisait à présent partie.  Et puis soudain elle comprit pleinement, peut-être pour la première fois depuis que l’homme-singe géant était entré dans sa vie, tout ce que la jungle représentait pour lui, car même si elle s’y retrouvait seule et sans protection contre ses dangers redoutables, elle ressentait néanmoins une attirance et exaltation qu’elle n’aurait pu espérer éprouver à nouveau.

Ah, si son puissant compagnon avait pu se trouver à ses côtés en cet instant ! Sa joie et quel bonheur auraient été complets ! Sa présence était la seule chose qui lui manquait. L’apparat des villes, le confort et le luxe de la civilisation n’avaient plus aucun attrait pour elle en regard de la glorieuse liberté qu’offrait la jungle.

Un lion gémit dans le noir à sa droite, provoquant de délicieux frissons qui glissèrent le long de son dos. Les cheveux à l’arrière de sa tête semblèrent se dresser – et pourtant elle n’avait pas peur. Les muscles que lui avaient légué un ancêtre primordial réagirent instinctivement à la présence d’un ancien ennemi – c’était tout. La femme se dirigea lentement et résolument vers le bois. A nouveau le lion gémit; cette fois il était beaucoup plus proche. Elle chercha une branche basse et la trouva facilement dans l’abri amical d’un arbre. Le long et périlleux voyage avec Obergatz avait entraîné ses muscles et ses nerfs à réagir à des circonstances aussi inhabituelles. Elle trouva un lieu de repos sûr, comme Tarzan le lui avait appris, et s’y blottit, trente mètres au-dessus du sol, pour y passer la nuit. Elle avait froid, elle était mal à l’aise, et pourtant elle dormit, car son cœur était chaud grâce au regain d’espoir et son cerveau fatigué s’était accordé un sursis temporaire par rapport à ses inquiétudes.

Alors oui, Jane aura besoin d’être sauvée, avant et après ce passage, mais ces paragraphes montrant la force que possède non seulement Jane, mais aussi toutes les héroïnes de Burroughs. Être une « demoiselle en détresse » est leur fonction dans l’histoire, mais pas leur caractère. Le passage est aussi un complément bienvenu à celui sur le supposé « impérialisme ».

 

En dehors de tout cela, Tarzan the Terrible est un bon roman. Dans le septième roman, Tarzan the Untamed, Jane est présumée morte, tuée par des soldats allemands. Le plan original de Burroughs était VRAIMENT de tuer Jane une bonne fois pour toute, apparemment après avoir vu la façon dont elle avait été interprétée dans le film de 1917. Prévoyait-il que Tarzan tombe amoureux de l’espionne de ce roman, Bertha Kirsher ? Ou bien qu’il s’acoquine avec la prêtresse La, que Burroughs avait inventée dans le second roman, après avoir introduit Jane dans l’histoire ? Nous ne le saurons jamais, puisqu’une bonne salve de lettres écrites par des lecteurs en colère amènera Burroughs à revoir sa copie : le corps calciné que Tarzan découvre dans les ruines de sa propriété en Afrique n’était en fait pas celui de Jane. Dans Tarzan the Terrible, le seigneur de la jungle traque donc les ravisseurs de Jane jusqu’à une partie inconnue de l’Afrique, le terre de Pal-Ul-Don. Dans cette contrée isolée, on trouve des triceratops omnivores, les Gryphs, et la peuplade qui s’y trouve est d’apparence presque humaine, mais avec une queue, et leurs pieds ressemblent à des mains. Burroughs se  crée une nouvelle fois une bonne opportunité de tourner en dérision les religions. Les prêtres de Pal-Ul-Don, qui prennent Tarzan, mais aussi en fait TOUS les êtres humains qui passent à leur portée, comme leur Dieu, sont décrits comme assez médiocres. Il y a tout un glossaire à la fin du roman sur le langage pal-ul-donien. Mais en dépit de tous les efforts que Burroughs fournit pour décrire cette contrée, il ne la mettra plus jamais en scène. Par contre elle réapparaîtra dans les bandes dessinées.

 

tt


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